Rituel de Fondation


Avant même que le rituel de fondation en lui-même ne commence, l'emplacement du temple devait être trouvé. Les lieux ayant une histoire mythologique particulière sont des emplacements de choix pour une nouvelle construction. Ici, tel dieu se sera manifesté sous telle ou telle forme. Là, on verra une bute sacrée propice au repos divin (une iat) à la place du Petit temple de Medinet-Habou. Ailleurs, ce sera un emplacement qui bénéficiera de conditions d'ensoleillement particulières : le Grand Temple d'Abou Simbel, creusé dans les collines nubiennes, voit ainsi les statues de son sanctuaire recevoir les rayons du soleil le 20 février et le 20 octobre. Là encore, ce sera un alignement particulier, visible au Temple d'Hatshepsout à Deir-el-Bahari où la reine a placé sont temple de Millions d'Années en face de celui d'Amon, de l'autre côté du fleuve.

Le temple d'Abou Simbel, creusé dans la roche des collines nubiennes. (Photo de l'auteur)

Une fois l'emplacement choisi et les préparatifs de la construction effectués, se tenait le rituel de fondation du temple. Hérités des traditions de temps très reculés, ces rites consistaient en dix points à effectuer par le roi (ou par un substitut du roi, lors de la construction de temples éloignés du coeur du royaume par exemple). Le rite le plus important, le pedj-sesh, consistant à définir le plan du temple, a fini par donner son nom à l'ensemble de la cérémonie. L'ensemble du rituel, bien que motivé par des considérations purement techniques telles que la construction des fondations, trouve également sa signification dans la comparaison constante de la construction du futur édifice avec celle de la gestation d'un être vivant. On retrouve ainsi des similitudes entre l'utilisation des quatre briques dans les fondations du temple et dans les techniques d'accouchement en Égypte ancienne (où la femme enceinte était accroupie sur des briques), ou entre les rituels de sacralisation du temple et ceux dits "d'Ouverture de la bouche" du défunt.


1- Le pedj-sesh ou la fixation du plan du temple

L'objectif de cette opération est de définir au sol l'espace qu'occupera la construction, sous l'oeil bienveillant et le contrôle de Séshat. Cette déesse, la maîtresse des écrits, contrôle également l'utilisation du Merket, l'outil de visée utilisé pour obtenir le Nord théorique, lors d'observation astronomiques effectuées une nuit de pleine lune, et ainsi en déduire l'axe du temple.

Hatshepsout et Séshat fixant le plan du temple. Chapelle rouge, Mur Nord, bloc 311.


nb.t sS(.w), nb.t mdw-nTr
nTr nfr nb ir-x.t MaA.t-kA-Ra di anx mi Ra
pD-sS(r) m Hw.t-nTr MaA.t-kA-Ra-Imn.s.t-ib
La maîtresse des écrits, la maîtresse des hiéroglyphes.
Le dieu parfait, maître de l'accomplissement des rites, Maât-Ka-Rê, doué(e) de vie comme Rê.
Le Pedj-Sesh, tendre le cordeau dans le temple qui s'appelle Maât-Ka-Rê est la place du coeur d'Amon.

2- Eparpiller du gypse sur l'aire de la construction pour la purifier

Même si cette étape peut paraître surprenante, les propriétés diverses du gypse ont pu servir à établir des bases saines (d'un point de vue physique) à la construction. On connaît en effet les propriétés déshydratantes du gypse, mais également son intérêt dans la fabrication du plâtre. La traduction du terme utilisé par les égyptiens, bsn, n'est pas certaine, et l'on parle également parfois de natron plutôt que de gypse. Dans ce cas, l'effet purificateur est alors purement symbolique, puisque le natron a un effet désinfectant qui, s'il est utile pour un être vivant, n'a aucun intérêt pour une construction.


3- Creuser la première tranchée de fondation

Les égyptiens avaient mis au point une technique de fondation efficace qui consistait à creuser le sol plus ou moins profondément, puis à construire des murs formant caisson et remplis d'une couche de sable sur laquelle reposent les premières pierres. On cherche également, lors de ce creusement, à atteindre la nappe d'eau souterraine, incarnation du Noun (l'océan primordial) pour ainsi en tirer les effets purificateurs. Le roi déclare ainsi sur une scène du temple d'Edfou :

"J'ai saisi la pioche. J'ai empoigné la houe du Nord. J'ai creusé la fondation du temple. J'ai défoncé pour toi la terre jusqu'à la limite du Noun pour parachever ton travail pour l'éternité. Joie de fortifier ton monument."


4- Mouler les quatre premières briques de fondation

Les premières briques de fondation, comme la plupart des briques en Egypte ancienne sont des briques crues obtenues à partir d'un mélange de limon et de paille. Certaines substances odorantes et purificatrices sont également ajoutées lors du moulage des briques : oliban, résine de térébinthe et autres plantes aromatiques. Ces briques de fondations sont symboliquement disposées aux quatre coins de l'édifice afin d'en répartir les effets purificateurs sur toute la surface à construire. Cette étape est liée à la précédente.

Hatshepsout façonnant les quatre premières briques. Chapelle rouge, Mur Nord, bloc 72.


sx(.t) Db.t 4 sp ir(w)=s di.t anx.t
Former une brique quatre fois, elle le fait étant douée de vie.

5- Tasser le sable au fond de la tranchée

Il s'agit ici de s'assurer de la planéité du dispositif de fondations dont on conçoit bien l'importance pour la suite de la construction. Certains auteurs voient également dans le sable la manifestation d'éternité nécessaire au fondement du temple : la multitude des grains de sable correspond au désir de longévité de cette construction. Cette étape est liée aux deux précédentes et toutes les trois assurent un dispositif de fondation efficace.


6- Construire et remplir le dépôt de fondation


7- Initier la construction du temple

Le roi lui-même déplace un des blocs de pierre du temple (sans doute de dimensions suffisamment modestes pour lui éviter les écueils d'un travail particulièrement physique...) afin de s'identifier aux futurs ouvriers comme constructeur de l'édifice. Par cet acte, le souverain signalait le départ de la construction du gros-oeuvre, donc du temple proprement dit et en devenait également le maître d'oeuvre.


8- Purifier complètement le temple

Une fois le temple achevé, le lieu de culte devait être purifié afin d'en garantir l'intégrité et de pouvoir y accueillir la divinité souhaitée. Certains textes évoquent une cérémonie d'ouverture de la bouche pratiquée sur une maquette de l'édifice avec les mêmes instruments que ceux utilisés lors du rituel similaire pratiqué sur les momies. La purification du temple était effectuée en aspergeant d'eau sainte la base des parois du temple.


9- Présenter le temple aux divinités concernées


10- Effectuer des offrandes et des sacrifices

Cette étape correspond probablement tout simplement aux premiers rituels pratiqués dans le temple, et n'est sans doute pas très différent des rites qui seront pratiqués chaque jour par les prêtres.


L'ensemble du rituel est donc réparti en plusieurs séquences : la mise en place du projet (étapes 1 et 2), la construction des fondations et du dépôt et la mise en place du dépôt (étapes 3, 4, 5 et 6), la construction elle-même (étape 7) et enfin la mise en fonction du temple (étapes 8, 9 et 10). Chacune de ces séquences correspond à une phase du projet et elles devaient s'étaler dans le temps de telle sorte qu'il paraît impossible que l'ensemble de ce rituel soit effectué pendant une période courte.



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Remerciements tous particuliers pour cette page à l'égyptologue Philippe Martinez qui fut d'une aide précieuse tant pour la traduction des extraits que pour m'avoir fait parvenir des documents complets sur le sujet. Merci également de m'avoir expliqué certains points obscurs du rituel et de me laisser les partager ici.

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