Salle Hypostyle


La salle hypostyle est un nom qui désigne toute salle dont le plafond est soutenu par des colonnes. On pourrait donc donner ce nom à de nombreuses pièces du temple. Néanmoins, lorsque l'on évoque la salle hypostyle d'un temple, il est d'usage de faire référence à une pièce dans l'axe, placée entre une cour et la partie plus secrète du sanctuaire. Il est nécessaire d'insister sur le fait que la salle hypostyle est un moyen et non une fonction : cela s'exprime dans les multiples facettes que peut prendre l'architecture - souvent impressionnante - de cette salle.

Une histoire mouvementée

Les premiers exemples de salle hypostyle (en tant que traitement architectural) se retrouvent dans les temples des pyramides construits à l'Ancien Empire. Pourtant, leur position n'a aucun rapport avec celle plus tardive et il paraît évident que les colonnes ont été vues par les premiers architectes comme un moyen de couvrir de grands espaces.

La position de la salle hypostyle du temple d'Edfou est celle qu'occupent les salles hypostyle depuis le Nouvel Empire. (Photo de l'auteur)

Au Moyen Empire l'idée de salle hypostyle tend à réapparaître dans plusieurs monuments comme le Temple de Mountou à Tod1, mais la salle hypostyle en tant qu'élément architectural casi-systématique n'apparaît qu'au Nouvel Empire. et perdurera jusqu'aux derniers temps de l'Egypte Ancienne. A cette époque, elle se développe autour d'un plan rectangulaire souvent plus large que profond. Les architectes font alors preuve de beaucoup d'ingéniosité pour permettre l'entrée de la lumière dans cette pièce. Lorsque les ouvertures habituelles, à savoir les portes axiales ou latérales, ne suffisaient plus pour faire pénétrer la lumière, et lorsque la taille de la salle rendait impossible l'utilisation de bougies, torches ou flambeaux, il fallait imaginer d'autres systèmes pour assurer un éclairage correct.

Le problème de l'éclairage

Pour résoudre les problèmes dus à l'éclairage, les architectes égyptiens ont eu l'idée de recourir à l'exploitation des différences de niveau entre les toits et plafonds des différents espaces du temple. Le saut de niveau entre les deux toits permet d'installer de grandes fenêtres laissant filtrer la lumière. Ce système, dit a claustra fut très utilisé et développé dans de multiples variantes.

Illustration du système de claustra : la différence de niveau entre les colonnes les plus hautes et les plus basses permet d'aménager de grandes baies qui laissent entrer la lumière. (Reconstitution de l'auteur)

La différence de niveau nécessaire pour aménager ce système a été obtenue de façon très différentes en fonction des monuments. Au temple d'Amon à Karnak, la différence est due à la nef centrale dont les colonnes sont 50% plus grandes que celles des nef latérales, principe que l'on retrouve dans le Ramesseum. Ailleurs, c'est tout simplement toute la salle hypostyle qui est plus haute que les salles environnantes, les quatre murs de la pièce étant ainsi percés à leur sommet de fenêtres. Dans l'Akh Menou, toujours à Karnak, c'est un groupe de colonnes plus hautes au centre de la pièce qui assure ce dénivellement nécessaire.

A l'époque ptolémaïque, un nouveau système permet de faire rentrer plus de lumière. Plutôt que de fermer la salle sur ses quatre faces, les murs ne l'entourent que sur trois : depuis la première cour la lumière pénètre directement entre les colonnes. Pour maintenir l'intimité de la salle, entre les premières colonnes sont construits des murs d'entrecolonnement relativement bas, laissant donc passer l'essentiel de la lumière.

L'utilité et le symbolisme de la salle

Les termes utilisés pour désigner la salle hypostyle d'un temple sont parfois différents d'un temple à l'autre, et sèment le doute sur l'utilité même de cette salle. Certains vont même jusqu'à penser que la salle hypostyle est "sans fonction liturgique précise"2.

Le nom de la grande salle hypostyle de Karnak : Le temple "Le Lumineux Séthy-Meremptah dans la maison d'Amon".

La salle hypostyle du temple de Karnak est désignée comme un temple (Hout-nétjer) à l'intérieur même de la Maison d'Amon (qui désigne les installations de culte envers Amon à Karnak, le per-Imen), alors que la première salle hypostyle du temple d'Edfou est simplement désignée comme "La Salle en avant du Grand Siège", le Grand Siège étant la demeure même d'Edfou. Cette ambiguïté sur le rôle de cette salle, pourtant importante, nous amène à réfléchir sur son symbolisme.

D'énormes colonnes séparent ici le ciel, symbolisé par le plafond peint d'étoiles et où volent des vautours protecteurs, de la terre, symbolisé par le sol. Ces colonnes ont elle-même la forme de plantes, de gigantesques touffes de papyrus. On a l'impression d'assister aux premiers temps de la mythologie égyptienne, où la terre (le dieu Gheb) et le ciel (la déesse Nout) furent séparés pourlaisser circuler entre les deux l'air (le dieu Shou) et la lumière (la déesse Tefnout). La salle hypostyle est ainsi un lieu qui ramène aux premiers temps de la création du monde tout en établissant un tampon entre le monde des hommes, ouvert à tous vents et à toute lumière, et le monde des dieux, à la luminosité filtrée et à l'accès limité.



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Salle hypostyle, Karnak

La disparition du plafond renforce l'idée première de la salle : les colonnes soutiennent le ciel.(photo de l'Auteur)

Notes

1 , , , p. 23.
2 , , , p. 24.

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